Je suis illustratrice, plus seulement pour les livres jeunesse mais aussi pour les adultes. Je me considère comme une artiste. Aujourd’hui mon champ des possibles s’ouvre beaucoup, avec la peinture, le travail d’auteure également. Je travaille la narration par l’image, dans le trait, je cherche énormément. Les projets d’auteur et d’illustrateur se complètent. Je fais également un gros travail de carnets de croquis. Je ne sors jamais sans mon carnet ! C’est un gros bordel, pire que mon atelier ! Aujourd’hui je sors plus qu’avant mes dessins de mes carnets pour les montrer. Ça part dans tous les sens !
Quelle a été ta première impression quand tu es arrivée dans les locaux de Hôp ?
J’étais attirée par l’énergie partagée qui circule ici. Quand je suis arrivée, ce côté “hôpital“ était presque flippant. Cet espace brut à imaginer. J’ai gardé dans mon espace les becs de gaz et une paillasse. Ici, c’est un mélange des traces de ce que ça a été et ce que c’est maintenant. Et ces fenêtres en demi-cercle, c’est magique ! Il y a des grands espaces communs avec des possibilités de s’édifier dans ton espace où tu peux être “hors du regard“ ; ces deux espaces sont très imbriqués.
Que-ce que cela t’a apporté le fait de venir dans un lieu collectif, pluridisciplinaire, ouvert sur l’extérieur ?
Ça m’a réconcilié avec Besançon ! Cette ville m’a pompé beaucoup d’énergie au début, et ici il y avait un lieu où toutes les énergies trouvaient un endroit où ça pouvait se faire, un lieu où “celui qui fait a raison“. Alors qu’avant à Besançon j’entendais toujours “c’est compliqué“.
Ici, on peut échanger entre corps de métiers. On fait des trocs de service entre résidents. On revient à des choses qui n’ont pas de valeur d’argent. Ici, si tu as une idée débile, tout le monde dit “ouiiiiii“, et on y va on réfléchit ensemble. C’est intéressant aussi de voir les autres travailler.
Chacun amène ce qu’il peut, au moment où il peut, où il peut. Alors c’est sûr on n’est pas une bande de Mickeys qui se fait des bisous, il y a des caractères très différents. Ça nous force à prendre du recul sur nous-même. J’aime beaucoup ce côté microsociété, famille. Ça mériterait de faire une BD ! Les gens hallucinent qu’un lieu comme ça existe à Besançon.
J’aime bien le brassage que ça créé. Tu te retrouves avec des gens que tu ne croiserais jamais.
Tes enfants ont déjà participé plusieurs fois à des sessions de bénévolat.
Oui, je suis contente que mes gamins viennent ici ! C’est un apprentissage d’une autre société. Ils ont fait du tri, du service au bar, quand ils viennent dans la salle pour les enfants ils apprennent à ranger en repartant, ils ont repeint des murs. Ils voient ce que c’est le plaisir de faire ensemble. Ils me disent “l’aile 2 c’est la mieux car vous avez toujours vos portes ouvertes, vous parler, vous rigolez !“. Ça va jouer sur leur façon d’être après.
Quel sont les lieux à l’Arsenal que tu fréquentes le plus ?
Le bar ! Et encore, je n’y suis pas tant que ça. Mais j’apprécie de voir les gens de l’aile 1 que je ne connais pas ou peu, dans un contexte où tu n’as pas la tête au boulot.
Hôp hop hop, ça me force à montrer mon travail aux autres, à ouvrir mon atelier, à sortir de ma zone de confort !
Un souvenir à Hôp ?
La soirée déguisée Jules Verne des 1 an de Hôp ! C’était dingue de voir tout le monde qui avait joué le jeu, le commun qui s’était créé. J’ai adoré aussi l’idée de dire merci d’avoir créé ce lieu à l’équipe de Hôp. C’était une joie folle, on dansait comme des sauvages ! Je suis sûre qu’il y avait des énergies autour de l’Arsenal qui vibraient.
Sinon, des moments du quotidien, comme le café du matin des résidents de l’aile 2. Le 1erarrivé lance le café, puis toque aux portes, et on reste une bonne demi-heure à papoter, et quelques fois 1 heure ! On fait aussi des trucs de gamins, une course dans les couloirs. Il n’y a pas un jour où je ne suis pas contente de venir à l’atelier. C’est l’enthousiasme de tous les jours !
Qu’est-ce que tu feras quand on partira de l’Arsenal, car c’est une occupation temporaire ?
Je pense que le temporaire permet aux gens de faire plus de choses. Les gens ont plus d’audace à faire des choses quand ça ne va pas rester très longtemps.
Pour quand on devra partir, je ne sais pas ce que je ferai, je suis dans l’immédiateté. Je pense que quelque chose du même ordre va en découler. Il y aura une transhumance, des bébés hôp, ça va être la matrice de quelque chose. Je ne sais pas si je serai à l’initiative, si je suivrai, mais ce qui est sûr c’est que je ne retournerai pas toute seule dans mon atelier !
Que penses-tu de du lieu Hôp à l’échelle de la ville de Besançon ?
Ça apporte une énergie, un champ des possibles, de la légèreté dans une région où le climat est rude ! On entend tout le temps parler de ce genre de lieu dans les grandes villes, là c’est la preuve pour la ville de Besançon que ces énergies existent ici, il y a toutes ces capacités, ces gens-là sont sous leurs yeux. Les Bisontins sont fiers de Hôp. J’ai des amis parisiens qui sont venus et qui ont dit “qu’est-ce que c’est que ce lieu de dingue !“ Et oui, c’est possible dans une ville de cette taille-là, et de le voir, ça donne envie de faire, d’essaimer. C’est un petit grain de folie visible, dans une ville avec un historique anarchique et libertaire.
Lorsque je suis arrivée à Besançon dans le milieu culturel, j’ai vu que les portes étaient fermées, “tu n’as pas fait tes études ici“. Hôp hop hop est un lieu qui permet cette ouverture, ici on ne met pas dans des cases, tu arrives avec tes envies.
Hôp, c’est une énergie, de l’air, des envies, une respiration, surtout dans le moment de société dans lequel on est. Ici c’est possible, on a le droit d’essayer, ici c’est “réussir c’est faire“ et c’est possible car il y a beaucoup de bienveillance et de solidarité, il n’y a pas de jugement.
(cette rencontre a eu lieu en mars 2020)